Informations essentielles
- Malgré ses défauts, Dune de Lynch fait preuve d’audace visuelle et souligne la complexité politique du récit.
- Le film de Lynch a réussi à capturer avec brio la splendeur impériale, tout en offrant une atmosphère aristocratique quelque peu absente dans la dernière version.
- Cette adaptation antérieure de Dune contient des variations narratives notables et mérite une réévaluation pour son style distinctif.
Les personnes qui se disent fans de Dune se réfèrent généralement soit à la littérature originale de Frank Herbert, soit à la version cinématographique de Denis Villeneuve. L’adaptation de David Lynch en 1984 fait rarement partie de ces discussions, malgré son succès pour ses œuvres surréalistes. Le film a été considéré comme trop excentrique à sa sortie. Cependant, des analyses rétrospectives révèlent que la tentative de Lynch a réussi sur des aspects que ses propres critiques après sa sortie ont négligés.
Avant 1984, les tentatives de transposer les romans épiques de Frank Herbert sur grand écran s’étaient révélées décourageantes, et des réalisateurs de renom comme Alejandro Jodorowsky et Ridley Scott avaient abandonné pour diverses raisons. Lynch a été le pionnier de l’adaptation de ce récit de science-fiction, même si le résultat fut regrettable. Le film a rencontré un vif succès et est aujourd’hui souvent considéré comme un exemple d’adaptation ratée, mais il possède des qualités intrinsèques qui, selon certains, pourraient surpasser celles que l’on trouve dans les représentations contemporaines.
La vision extravagante de Lynch
La version de Dune de Lynch n’a peut-être pas rencontré le succès lors de sa première diffusion, ni même au fil du temps, surtout si on la compare aux adaptations récentes plus abouties. Néanmoins, sa réputation n’est pas aussi mauvaise que le prétendent les récits grand public. Il s’agit plutôt d’une œuvre ambitieuse comportant des éléments louables qui méritent d’être reconnus.
Visuellement, les contrastes entre les adaptations de Lynch et de Villeneuve sont assez prononcés. Le film de Villeneuve présente une esthétique épurée et minimaliste similaire à son projet précédent, Blade Runner 2049. En revanche, Lynch emploie avec audace un style visuel plus extravagant et peu orthodoxe, améliorant l’expérience narrative. Alors que la cinématographie de Dune de Villeneuve est susceptible d’être considérée comme intemporelle, l’interprétation de Lynch s’aventure dans l’opulence avec ses décors extravagants et ses costumes élaborés, tels que les saisissants costumes Fremen, créant un environnement qui semble parfaitement surréaliste pour le récit.
De plus, Villeneuve choisit de mettre en avant l’histoire personnelle de Paul, alors que le film de Lynch de 1984 plonge profondément dans les subtilités politiques de son univers. La représentation de factions telles que les Grandes Maisons, la Guilde Spatiale et l’Empereur était nettement plus prononcée dans la version de Lynch, même si cela donnait au récit une impression quelque peu fragmentée et précipitée. Cependant, cette histoire complexe est essentielle à la vision originale d’Herbert.
Représentation royale dans le Dune original
L’adaptation de Lynch excelle dans la représentation de la majesté impériale des maisons nobles, mettant particulièrement en valeur les Corrinos et les Atréides. L’ambiance aristocratique est rendue avec authenticité, ce qui donne à des personnages comme la princesse Irulan un sentiment de royauté. Le portrait de Christopher Walken dans Dune de Villeneuve est nettement plus réservé, en accord avec le ton du film, tandis que le portrait de l’empereur Padishah par José Ferrer dans la version de Lynch transmet une présence imposante.
De plus, la représentation du Duc Leto et de la famille Atréides par Lynch dégage une essence plus formelle et opulente lorsqu’on la compare à la caractérisation plus sobre et « cool-dad » d’Oscar Isaac dans la nouvelle adaptation. Bien que le film de Lynch ait été critiqué pour son interprétation du Baron Harkonnen, l’essence grotesque du méchant était indéniablement puissante.
Outre les portraits de personnages et l’esthétique, les différences narratives présentent des points intéressants à méditer, d’autant plus que Villeneuve a choisi une approche narrative plus lente et plus réfléchie dans les deux films. Cependant, cela signifie que des éléments importants tels que la dépendance de l’Empereur à la Guilde spatiale ont été omis dans la nouvelle version. L’adaptation de Lynch a inclus cet aspect crucial dans son style caractéristique, représentant le Navigateur de la Guilde comme une grande figure reptilienne mutée. Villeneuve, à l’inverse, a choisi de faire allusion à l’influence de la Guilde par l’intermédiaire de représentants humains. Dans une interview avec Empire , il a expliqué son intention derrière cette omission :
« Dans cette première partie, on ne voit pas les navigateurs […] J’ai essayé de garder tous les voyages dans l’espace aussi mystérieux que possible, évoquant presque un sentiment de mysticisme concernant cette partie du récit. Tout ce qui a trait à l’espace semble énigmatique. »
Réévaluer la dune de Lynch
La représentation de la Guilde spatiale dans Dune de Lynch a non seulement amplifié les excentricités du film, mais a également imprégné le récit d’implications politiques plus profondes en montrant comment un dirigeant apparemment sans égal comme Shaddam IV doit adhérer à l’autorité de la Guilde. La représentation du voyage interstellaire est devenue d’autant plus intrigante, en particulier avec la séquence illustrant les Navigators créant un trou de ver, évoquant une qualité rituelle. Néanmoins, certaines des décisions les plus controversées de Lynch, comme la transformation des techniques vocales du Bene Gesserit en modules physiques de Weirding, compliquent la crédibilité de ses choix les plus inventifs.
Le film Dune de Lynch mérite également d’être salué pour sa conception sonore et sa bande sonore qui, tout en se différenciant sensiblement des interprétations contemporaines, conservent avec succès leur propre identité au fil des ans. Certains choix stylistiques, comme l’utilisation de voix off pour les réflexions des personnages, peuvent paraître encombrés à certains spectateurs, mais ce risque créatif doit être apprécié. Dans l’ensemble, l’adaptation de 1984 mérite d’être vue à nouveau, d’autant plus que le public commence à apprécier le côté « kitsch » associé aux films plus anciens qui étaient autrefois sous-estimés. Après tout, toute adaptation de Dune avec Sting dans le rôle de Feyd-Rautha et des carlins qui se déplacent dans l’espace ne peut pas être simplement ignorée.
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