
Les défis auxquels est confrontée l’industrie cinématographique allemande dans un contexte de troubles politiques
Alors que le paysage politique allemand connaît une profonde transformation, l’industrie cinématographique allemande se trouve confrontée à une multitude de défis, souvent négligés par les négociations gouvernementales actuelles. Suite aux récentes élections fédérales, le chancelier désigné Friedrich Merz et son parti conservateur, la CDU, se sont concentrés sur les questions urgentes, privilégiant les finances publiques et les négociations de coalition avec le parti social-démocrate de gauche (SPD).
Cette préoccupation est préoccupante pour les producteurs locaux qui peinent à traverser une année difficile. En 2024, les entrées en salles ont chuté de 5, 8 % pour atteindre 90, 1 millions, ce qui indique une baisse marquée par rapport aux autres marchés d’Europe occidentale. De plus, les films nationaux ne représentaient que 20, 6 % de la part de marché, soit une baisse de 3, 7 %.À ces difficultés s’ajoute la baisse des revenus télévisuels, due à la diminution rapide des publicités commerciales. Une enquête menée auprès de 375 membres de l’Alliance allemande de la production révèle que 80 % des producteurs sont actuellement confrontés à des difficultés financières.
Soutien gouvernemental et changements législatifs
Afin de soutenir une industrie en difficulté, le gouvernement précédent a approuvé fin 2018 une loi actualisée sur le financement du cinéma, préservant ainsi les subventions publiques essentielles aux productions locales. Ces subventions sont cruciales pour soutenir la production cinématographique allemande ; sans elles, l’industrie pourrait être confrontée à une grave paralysie. Cependant, lors des négociations avec la CDU de Merz, la loi s’est abstenue d’inclure des normes obligatoires en matière de diversité, d’égalité des sexes et de lutte contre la discrimination dans la réalisation cinématographique.
Le développement des infrastructures du secteur repose sur de nouvelles incitations fiscales visant à renforcer la compétitivité de l’Allemagne face à ses homologues européens. La hausse des coûts de production aux États-Unis a incité les studios et les cinéastes indépendants à rechercher des conditions plus favorables en Europe. Pourtant, le modèle incitatif allemand actuel est insuffisant par rapport à celui de pays comme l’Espagne, l’Italie, l’Autriche et la République tchèque.
« Nous avons discuté avec les studios. Ils souhaitent implanter des productions ici, mais ils ont besoin d’incitations fiscales pour le faire », a souligné le directeur de l’un des plus grands studios de tournage allemands.« Si la situation ne change pas rapidement, ils iront ailleurs. Les dommages seront irréversibles.»
L’avenir du streaming en Allemagne
Une autre solution potentielle pour les producteurs allemands réside dans une législation obligeant les plateformes de streaming à investir dans les productions locales. Ce projet, précédemment bloqué sous l’administration sortante, présente des avantages considérables pour le secteur cinématographique allemand, notamment grâce à la domination de plateformes comme Netflix et Amazon. Pourtant, son avenir reste incertain en attendant la formation du nouveau gouvernement.
Négociations politiques et implications économiques
Le calendrier de la formation d’un nouveau gouvernement de coalition reste ambigu, le Bundestag nouvellement élu devant se réunir pour sa première séance le 25 mars. Sans majorité claire issue des récentes élections, la CDU de Merz est actuellement engagée dans des négociations de coalition avec le SPD afin de parvenir à un consensus sur diverses questions controversées, notamment l’immigration et les politiques économiques. Il est à noter que le parti d’extrême droite allemand, l’AfD, a enregistré une forte hausse de voix, recueillant 21 % des voix. Pourtant, la CDU et d’autres partis traditionnels se sont engagés à l’exclure du nouveau gouvernement.
La CDU et le SPD reconnaissent tous deux la nécessité d’accroître leurs ressources financières, ce qui a donné lieu à des discussions en cours concernant des modifications du « frein à l’endettement » allemand, une réglementation constitutionnelle limitant les emprunts publics. Merz vise une modification constitutionnelle afin de faciliter des investissements importants dans l’armée et les infrastructures, compte tenu des incertitudes géopolitiques. Cependant, son adoption nécessitera une majorité des deux tiers au Parlement, un défi de taille dans le climat politique actuel.
Pour le secteur du cinéma et de la télévision, en difficulté, la volonté du gouvernement d’envisager des incitations financières est un indicateur positif. Les cinéastes chevronnés affichent un optimisme prudent, soulignant que les discussions autour d’allégements fiscaux pour diverses industries pourraient également s’appliquer au cinéma. Cependant, l’urgence de la situation ne saurait être surestimée ; chaque semaine qui passe sans nouvelles incitations fiscales risque d’entraîner de nouvelles pertes, les projets étant délocalisés à l’étranger.
« La compétitivité internationale de l’Allemagne en tant que lieu de tournage dépend d’un modèle d’incitation fiscale compétitif », a déclaré Björn Böhning, PDG de l’Alliance allemande de production à Berlin.« Le nouveau gouvernement fédéral doit poursuivre les réformes engagées. Dans le cas contraire, il risque de subir un recul plutôt qu’une avancée.»
Les semaines à venir seront cruciales pour l’avenir de l’industrie cinématographique allemande et sa capacité d’adaptation aux changements politiques. Alors que les acteurs du secteur attendent les décisions du nouveau gouvernement, l’industrie reste sur ses gardes, consciente qu’une action rapide sera essentielle pour reconquérir sa place sur la scène internationale.
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